🍷 Porto : Dégustation de légendes avant le Master of Port France

Juste avant la sélection du Master of Port France, j’ai eu le privilège de vivre une dégustation rare, presque irréelle. Une immersion dans l’univers du Porto sous toutes ses formes, de ses styles les plus jeunes à ses cuvées les plus anciennes, avec en point d’orgue trois bouteilles inédites, vieilles et mystérieuses, embouteillées en Belgique bien avant 1996.

Un moment d’émotion et de savoir, entre sommeliers passionnés, à quelques jours d’un concours national de haut niveau.

🧭 Une dégustation d’étude, d’émotion et d’humilité

Ce qui m’a marqué, au-delà de la qualité des vins, c’est la capacité de cette dégustation à révéler toutes les facettes du Porto :

• White Port sec & moelleux
• 10 Years White
• Tawny et Colheita (Andresen 2005)
• Ruby Reserve et Late Bottled Vintage 2016
• Vintage classiques & Vintage anciens
• Deux Quarles Harris embouteillés en Belgique, véritables bouteilles musée

Chaque verre ouvrait une fenêtre sur l’histoire, le climat, l’évolution, l’oxydation, la pureté, le terroir. Et pourtant, tous disaient "Porto".

📸 Focus sur 3 bouteilles exceptionnelles

🥇 Quarles Harris – White Port

Embouteillée en Belgique avant 1996, cette bouteille poussiéreuse renfermait une fraîcheur insoupçonnée. Notes de fruits blancs compotés, écorce d’orange, amande rôtie, caramel sec, et une belle finale saline. Un Porto blanc sec ou demi-sec dans sa plus pure authenticité, avant le marketing, avant le formatage.

🧠 Détail technique : À l’époque, les embouteillages hors Portugal étaient permis. Ce flacon a probablement vieilli de longues années en cave belge, dans des conditions idéales.

🥈 Quarles Harris – Vintage (millésime inconnu)

Également embouteillé en Belgique, ce Vintage offre un profil rubis très évolué, avec une robe tuilée étonnamment proche d’un vieux Tawny.

Nez tertiaire profond : cacao amer, moka, cèdre, terre humide, rancio noble. Bouche fondue, mais encore structurée. Une émotion rare.

🎯 L’enseignement ici ? La puissance d’un Vintage, même ancien, à bascule stylistique avec l’oxydatif. Le temps efface les lignes.

🥉 Andresen Colheita 2005 – mis en bouteille en 2024

Un single vintage Tawny, élevé plus de 18 ans en petits fûts. Explosion aromatique : figue sèche, orange confite, santal, datte, fruits à coque.

L'équilibre sucre/acidité est admirable, la persistance intense. Un modèle de clarté dans l’expression boisée du Porto.

🎓 Leçon de dégustation : styles, âges, contrastes

Chaque vin enseignait :

• La différence entre oxydatif et réducteur
• L’impact de l’élevage (cuve, fût, bouteille)
• Le rôle du cépage et de l’assemblage
• L’effet de l’âge sur la matière, la couleur, la fraîcheur, la longueur
• La subtilité entre Colheita et Tawny vieilli, entre Ruby jeune et Vintage mûr…

💡 Ce genre de verticale est une école sensorielle à elle seule.

🔍 Mon regard de sommelier – SWOT du Porto

🟢 Forces

• Patrimoine historique riche, avec un storytelling puissant
• Diversité de styles, des blancs secs aux vintage puissants
• Grande capacité de garde, sur 10, 20, 50 voire 100 ans
• Expression unique du terroir du Douro, parfois sous-estimée

🟡 Faiblesses

• Système du Benefício : lourd, opaque, difficilement lisible
• Complexité des styles pour le grand public
• Manque de lisibilité face à d’autres vins doux (Sauternes, Tokaji, etc.)

🟠 Opportunités

• Éducation des sommeliers et amateurs : masterclasses, concours, formations
• Marchés émergents (Europe de l’Est, Asie, Scandinavie…)
• Accords innovants : fromage, chocolat, cuisine asiatique, cocktails
• Développement des Colheitas premium et Portos blancs secs

🔴 Menaces

• Lutte mondiale contre la consommation d’alcool
• L’image de produit "sucré, lourd, dépassé" dans certaines générations
• Moins de consommation en restauration, manque de communication moderne

📝 En conclusion

Cette dégustation m’a permis de redécouvrir le Porto avec encore plus de respect, d’émotion, de précision.

C’est un vin d’exigence, d’histoire, de patience. Il mérite mieux que son image figée. Il mérite d’être raconté, dégusté, célébré.

Plus qu’un vin doux, le Porto est un pont entre les siècles et les palais. Il raconte la mémoire, le temps, la géographie, et même l’identité culturelle d’un pays. Et si, un jour, vous avez la chance de déguster une vieille bouteille embouteillée en Belgique, ne la laissez pas filer : ce sont des trésors liquides, qui racontent l’histoire autrement qu’avec des mots.

Colin Lurot

Sommelier