Il y a des lieux où, au contraire, sans mesurer leur profondeur,
et puis un jour, on prend le recul… et on comprend.
C’est exactement ce qui m’est arrivé avec la maison Grafé Lecocq.
Cela fait six ans que je travaille avec elle, et aujourd’hui, j’ai eu envie de témoigner.
Pas seulement de ce que je peux y voir au quotidien, mais de ce que cette maison, plus que centenaire, incarne en Belgique.
Et pour beaucoup d’amateurs de vin belge, c’est un repère discret, mais essentiel.
C’est aussi l’une des dernières entreprises belges, tout court, à exercer un métier artisanal et patrimonial, dans un centre urbain.
Un métier que d’autres jugeraient "incompatible avec la ville", mais qui continue d’exister ici, contre vents et marées.
Et honnêtement, sans Grafé Lecocq au cœur de Namur, la ville aurait perdu quelque chose.
Il y a ce passage régulier de bouteilles, entre la cathédrale et la maison,
ce ballet discret dans les rues, ce murmure de cave…
On passe à côté en se disant : “Oui, c’est normal, c’est là.”
Mais imaginez une seconde que ça ne soit plus là.
Ce serait, vraiment, une fameuse perte.
🏛️ Une maison au cœur de Namur depuis 1879
Fondée en 1879 par Henri Grafé et Léontine Lecocq, Grafé Lecocq est restée fidèle à son adresse d’origine, en plein centre de Namur.
À une époque où la plupart des maisons ont délocalisé ou disparu, elle a choisi de rester enracinée, littéralement, dans ses caves.
C’est un choix de résistance douce, mais ferme : être encore là où tout a commencé.
🕰️ Un métier ancien, une approche oubliée : l’éleveur-négociant
La Belgique a longtemps compté de nombreux éleveurs-négociants.
Le vin arrivait en fûts par train – notamment depuis Bordeaux – et était mis en bouteille là où il allait être bu.
C’était une pratique logique, durable avant l’heure. Et chez Grafé Lecocq, elle n’a jamais disparu.
Elle est même devenue une part de l’identité de la maison.
🔄 La consigne : pas une innovation, une tradition
Ce qui me fait sourire aujourd’hui ? C’est quand je vais à des salons du vin et qu’on me parle de la consigne comme d’une “révolution”.
Mais ici, on pratique la consigne depuis plus de 50 ans.
Et bien avant cela, les fûts étaient déjà consignés.
Ce que d’autres redécouvrent aujourd’hui avec enthousiasme, Grafé Lecocq le pratique depuis toujours, en toute discrétion.
Une maison familiale sur cinq générations
Aujourd’hui, c’est Bernard Grafé qui poursuit cette aventure, avec la cinquième génération déjà engagée.
Et dans l’histoire, il y a des figures comme Jean-Loup Grafé – pilier de la reconstruction après-guerre – ou encore son frère, à l’origine du domaine du Chenoy.
Trois générations marquées par la passion du vin, la rigueur, la transmission.
🍇 Une sélection artisanale et une vraie diversité
Ce qui rend le métier de négociant-éleveur si particulier, c’est qu’on y met un seul nom sur des dizaines de vins différents.
Et ça, c’est une force… mais aussi une complexité.
👉 Le consommateur peut aimer un Chinon, être moins séduit par un Morgon, préférer un Volnay à un Corbières… Et pourtant, chaque bouteille porte le même nom : Grafé Lecocq.
➡️ Trouver l’équilibre dans cette diversité, c’est un métier. Un métier exigeant.
Chez Grafé Lecocq, chaque vin est dégusté et sélectionné avec soin.
Et si un vin ne plaît pas, il n’est pas acheté. Point final.
Et puis, il faut parler des volumes :
- 300 bouteilles pour un Côte-Rôtie, un Saint-Georges ou un Condrieu
- Parfois 2000 pour un Grand Bordeaux
On est loin de la grande distribution.
C’est une maison artisanale, attentive, à taille humaine.
Des caves spectaculaires… cachées sous la ville
Ceux qui ont visité les lieux savent : les caves sont époustouflantes.
➡️ Anciens tunnels de tram réaménagés pour accueillir plus de 1200 fûts
➡️ Caves naturelles sous la Citadelle, sous une cathédrale, sous un palais de justice
La température, l’humidité, le silence…
Tout y est parfait pour l’élevage du vin.
Et ce n’est pas qu’un lieu technique. C’est un trésor culturel souterrain, cité dans des livres sur les plus belles caves du monde.
🤝 Une maison ouverte, humaine et accessible
J’entends parfois des gens dire : “Je ne savais pas qu’on pouvait entrer…”
Mais ici, on pousse la porte sans rendez-vous.
Pas d’élitisme, pas de barrière.
Juste des passionnés du vin qui aiment partager leur travail.
Chaque personne est accueillie de la même manière, qu’elle vienne découvrir, apprendre ou simplement déguster.
🇧🇪 Une fierté belge discrète, mais essentielle
La Belgique est un pays de bons vivants, de connaisseurs, de curieux.
Et pourtant, on oublie parfois de valoriser ce qu’on a sous les yeux.
Grafé Lecocq, c’est une maison centenaire, mais vivante.
Un métier ancien, mais plus que jamais pertinent.
Un savoir-faire belge, unique, qui continue d’exister au milieu de la ville.
🙏 En conclusion
Après toutes ces années, ce qui me touche le plus ici, c’est l’humilité, la constance, et la cohérence.
Ce que cette maison fait, elle le fait depuis longtemps, sans frime, sans bruit, avec une exigence silencieuse.
Et je pense qu’il est temps de le dire, de le montrer, de le défendre.
Parce que si ce lieu venait à disparaître…
on se rendrait compte, trop tard, de tout ce qu’il portait.
🔗 Découvrir la maison Grafé Lecocq
Colin Lurot
Sommelier
🍷 Grafé Lecocq : maison belge du vin, témoin d’un métier oublié mais vivant