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Umami : aux origines du cinquième goût

1 May 2025 by
Umami : aux origines du cinquième goût
Colin Lurot

Qu’est-ce que l’umami ? D’où vient ce mot japonais et pourquoi cette notion fascine-t-elle autant aujourd’hui les sommeliers, les cuisiniers et les amateurs éclairés ?

Depuis quelques années, le mot umami s’est imposé dans le vocabulaire gastronomique occidental. Saviez-vous que ce terme décrit une saveur identifiée au Japon au début du XXème siècle, mais qui ne fut reconnue par la communauté scientifique internationale qu’en 1985 comme la "cinquième saveur" ? Revenons sur les origines d’un goût qui bouleverse notre rapport à la nourriture.

Une découverte japonaise au début du XXe siècle

L’histoire commence en 1907, dans la cuisine de Mme Ikeda, épouse du professeur Kikunae Ikeda. Ce dernier, chimiste japonais, remarque un goût particulier dans un bouillon d’algue kombu préparé par sa femme. Ce goût ne correspond ni au sucré, ni à l’acide, ni à l’amer, ni au salé : il est à part.

Ikeda va concentrer ses recherches sur cette algue kombu (Laminaria japonica) et parvient à isoler la molécule responsable de cette saveur : l’acide glutamique. En 1908, il dépose un brevet au Japon pour un nouveau produit alimentaire à base de glutamate : le fameux glutamate monosodique (MSG). Il donne un nom à cette saveur : umami, fusion des termes japonais umai (savoureux) et mi (goût).

Le glutamate monosodique, c’est quoi exactement ?

Le glutamate monosodique (GMS), ou monosodium glutamate (MSG) en anglais, est le sel de sodium de l’acide glutamique, un acide aminé naturellement présent dans de nombreux aliments riches en umami : tomates, champignons, parmesan, sauce soja, algues, jambon sec, etc. C’est cette forme stable que le professeur Kikunae Ikeda isole en 1908, lorsqu’il cherche à reproduire le goût unique de son bouillon d’algue kombu. Il réussit à le cristalliser sous une forme que l’on peut doser, conserver, et intégrer dans des préparations.

Ce composé est depuis utilisé comme exhausteur de goût : il intensifie la perception de saveur umami, sans apporter de goût propre. Il agit comme une “loupe gustative” qui renforce la rondeur, la profondeur et la persistance des plats.

Une reconnaissance tardive

Bien que très utilisé dans la cuisine japonaise et dans l’industrie agroalimentaire asiatique, le MSG fut longtemps méconnu ou même diabolisé en Occident. Il faudra attendre 1985 et un symposium scientifique à Hawaï pour que l’umami soit officiellement reconnu comme la cinquième saveur de base.

D’autres molécules contribuent aussi à cette perception :

  • IMP (inosinate) : présent dans la viande et le poisson.
  • GMP (guanylate) : présent dans les champignons.

Ces molécules créent une synergie avec le glutamate, renforçant mutuellement la sensation d'umami.


Quels aliments sont riches en umami ?

On retrouve l'umami naturellement dans de nombreux produits, notamment :

  • Les algues kombu, base du dashi japonais.
  • Les flocons de bonite séchée (katsuobushi).
  • Les tomates mûres, le parmesan, les champignons shiitakés, la sauce soja, les produits fermentés ou affinés.

L’umami est souvent associé à une sensation de rondeur, de profondeur, avec une longue persistance en bouche. Il stimule la salivation et amplifie les saveurs des autres ingrédients.

Pourquoi l'umami passionne les sommeliers ?

Parce qu’il complexifie l’art de l’accord mets-vins. L’umami peut accentuer certaines caractéristiques des vins (notamment les tanins ou l’acidité), ou au contraire les lisser s’il est combiné à des plats bien construits. Il oblige à une lecture plus sensorielle des accords.

Par exemple :

  • Un vin rouge tannique servi avec un plat riche en umami pourra paraître plus astringent.
  • À l’inverse, un vin blanc ample et peu acide s’accordera mieux avec des aliments à forte charge umami.

Une révolution culturelle

Comme le souligne Jacques Puisais, « nous ne mangeons pas seulement des aliments, nous mangeons des valeurs ». L’umami, en révélant un goût que l’Occident avait longtemps ignoré, nous pousse à repenser notre perception du goût et à découvrir ce que les cultures culinaires asiatiques ont de plus profond à nous transmettre.

Loin d’être une simple tendance, l’umami est un concept fondateur pour tous ceux qui veulent comprendre les saveurs, leurs origines et leur interaction dans les plats comme dans les verres.

Colin Lurot 

Sommelier

Umami : aux origines du cinquième goût
Colin Lurot 1 May 2025
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